mercredi 6 janvier 2010

La France, pays des catholiques... non pratiquants


L’étude du journal La Croix montre que les Français restent, pour la plupart, attachés à la religion et se tournent volontiers vers elle lors des grands moments de la vie.

Selon une enquête Ifop réalisée pour le journal La Croix et parue en décembre dernier, si les Français restent pour les deux tiers attachés à une identité catholique, la messe du dimanche n’attire plus qu’une toute petite minorité : 4,5% d’entre eux. La France est donc devenu le pays où la pratique dominicale est la plus faible en Europe. Autre constat peu surprenant : les catholiques sont plus âgés que la moyenne des Français. Quant aux non-pratiquants, ils restent néanmoins attachés aux grandes étapes de la vie comme le baptême ou le mariage. dijOnscOpe a interrogé quelques spécialistes de la question religieuse, histoire de mieux comprendre les enjeux de cette enquête...

Les Français désertent la messe

Les personnes âgées constituent la majorité de ceux qui se rendent à l’église chaque dimanche, à l’image de Thérèse, arrière-grand-mère de 80 ans : "Depuis une dizaine d’années, il y a beaucoup moins de monde à la messe le dimanche. La génération qui suit, celle de ma fille, ne pratique plus. Moi, j’ai appris qu’il fallait suivre l'Evangile. Je crois que le Christ est présent chaque dimanche dans l’hostie."

Cette désertion de la messe n’a rien d’étonnant selon Emmanuel Pic, prêtre à la paroisse Saint Pierre de Dijon et enseignant en théologie : "Il est évident que la pratique dominicale diminue, en particulier chez les jeunes générations, ce qui veut dire qu'elle va continuer à décroître. (...) Pourquoi ? J’y vois un des effets de la modernité sur la société française dans son ensemble, et non pas seulement sur l'Église. Il n'y a pas que l'Église qui souffre : c'est aussi le cas des grandes institutions traditionnelles de notre pays : école, famille, politique, syndicats... Nos contemporains ont de plus en plus de mal à se reconnaître dans de grandes institutions sur lesquelles les individus n'ont que peu de maîtrise. Voyez le nombre de personnes réunies lors d'assemblées "générales" de syndicats ou celles qui viennent aux réunions publiques de nos élus... Et comparez-les au nombre de personnes qui fréquentent l'église le dimanche !"

Bernard Lecomte, journaliste, spécialiste du Vatican et des questions religieuses, explique cette désaffection par la sécularisation de la société française : "Que les Français aillent moins nombreux à la messe que les Espagnols, les Italiens, les Portugais ou les Polonais, ce n’est pas un scoop. La sécularisation de la société française est une des plus accentuées au monde avec la Belgique, la Bohême, le Québec, etc. Remarquons néanmoins que l’immense majorité de nos compatriotes assistent aux cérémonies religieuses familiales (baptêmes, mariages, mais surtout obsèques), dont le sens est facile à saisir, qui sont moins impersonnelles, plus chaleureuses que ces messes dominicales parfois incompréhensibles au profane, souvent décalées, voire archaïques, qui ne disent plus grand chose aux nouvelles générations !"

Un attachement indéniable à la religion catholique

Effectivement, l’étude montre que les Français restent, pour la plupart, attachés à la religion et se tournent volontiers vers elle lors des grands moments de la vie. Pour Bernard Lecomte, il faut dire que la religion catholique est indissociable de la culture française : "Le Français sait qu’il est l’héritier d’une histoire où le catholicisme fut un acteur majeur dans l’architecture mais aussi dans la constitution du droit, des institutions, de la tradition familiale, de la culture, etc. Qu’il soit croyant ou non, le Français est attaché à son passé collectif et il est normal qu’il en évoque spontanément sa dimension chrétienne."

Pour le journal La Croix, ces "racines chrétiennes" expliquent l’importance prise par la religion lors du débat sur l’identité nationale : "Les catholiques non pratiquants se montrent attachés à hauteur de 54% aux racines chrétiennes de la France. Cette appartenance de type quasi "patrimonial" (et non plus de type militant), pourrait expliquer que la religion soit aujourd’hui revenue au centre du débat sur l’identité."

Quant à lui, le Père Emmanuel Pic souligne la place prise par les milieux catholiques dans la France actuelle : "La foi ne disparait pas mais se transforme ; elle n'est plus aussi prégnante qu'autrefois mais son importance, et celle de l'Église catholique, est toujours grande dans la France d'aujourd'hui. Il suffit de penser à ce que représente, dans un département comme la Côte-d'Or, le formidable réseau des personnes investies dans le Secours catholique ou dans les mouvements de jeunes, comme le scoutisme, ou encore les visiteurs de malade dans les hôpitaux, les catéchistes... »

Les évolutions de la pratique religieuse

Selon Emmanuel Pic, "la vie de l'Église évolue au rythme de ces transformations : il y a moins d'enfants baptisés mais davantage d'adultes ; moins de prêtres mais de plus en plus de diacres et de personnes qui exercent des missions pastorales. D'autre part, il y a dans l'Église catholique aujourd'hui des secteurs qui connaissent une remarquable stabilité. Par exemple, le nombre d'inscrits dans les établissements catholiques d'enseignement, les lecteurs de la presse catholique, les auditeurs de RCF (Radios Chrétiennes Francophones)."

Au fil des années, il a même constaté des évolutions dans la pratique qui prouveraient l’intérêt croissant des Français pour la religion. Il constate ainsi "une expansion dans les mouvements de réveil religieux ("nouvelles communautés" issues souvent du renouveau charismatique), dans les abbayes, dont les hôtelleries ne désemplissent pas." Enfin, Il a "le sentiment que les catholiques sont très présents aux grands événements de la vie de la Cité. Un exemple : le site Internet ouvert par le gouvernement pour les États généraux de la bioéthique a enregistré 400 000 pages lues ; celui des évêques de France, dans la même période, en a connu 500 000..."

Gaël de Crépy, fervent catholique de 27 ans, est du même avis que le Père Pic concernant ces évolutions : "J’ai constaté personnellement un retour en force de la pratique chez les plus jeunes, par exemple de jeunes adultes demandant le baptême ou recevant la première communion." Pour le jeune homme, les efforts du pape Benoit XVI ont accentué le phénomène : "Cela illustre la volonté de Benoît XVI d'œuvrer pour l'unité des chrétiens, déjà à travers le renforcement du dialogue avec les orthodoxes et avec les traditionalistes ; et de réaffirmer l'identité de l'Église et de son héritage bi-millénaire."

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